3j4             MEMOIRES DE PIERRE DE LESTOILE.
pré aux Clercs. Je ne jouis de rien, et suis miserable; et si ce n'estoit l'esperance que j'ai au parti de la sainte Ligue et Union pour la conservation.de mon ame, ou du moins que j'en serai exempt dit purgatoire, je fusse à la suite des reliques saint Loys. Ma grande porte cochère n'est plus visitée : il n'i entre plus que des vens coulis, qui donnent des tranchées. Elle est fermée tout le j our, l'herbe y croist à suffisance pour paistre un trou­peau de moutons. Anciennement on y souloit heurter avec les pieds : qui estoit un trés bon signe, pour ce que ceux qui heurtoient en ceste façon avoient les mains pleines de gibier, bouteilles, pastés, fruits, et autres provisions propres au corps humain. Le tout à mon honneur, grandeur et suffisance.
« Maintenant on y frappe à grands coups de marteau, qui es veille mes voisins comme si le feu estoit en la 'ville, ou-qu'il y eust une grosse alarme. Et puis un gros" valet habillé de clinquant qui n'est pas creu en son jardin, avec la moustache rebroussée, et un brave sang-Dieu entre à l'instant, qui me fait commandement d'o­béir promtement à l'ordonnance du colonnel, à la­quelle il faut tost satisfaire et se taire. Si vous avez des banquiers de l'hostel-Dieu, comme-vous me dites, qui prendront mon argent à rente si je leur veux don­ner, je vous remercie de vostre bon advis : nous avons ici des enfans de la messe de minuict qui cherchent Dieu à tastons, lesquels au lieu de prendre de l'argent à rente prennent Ies biens des absens, politiques, he­retiques , mescreans, fauteurs, adhcrans, et autres telles sortes de gens tenans le parti contraire. Brief, s'ils ont aucunes inventions, ils ont encores meilleures mains : si bien Aie rien ne Ieur eschappe. Par ainsi, il n'i a pas
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